Des conditions de travail plus favorables dans les associations que dans le privé lucratif, selon la Dares

Une étude issue de l’enquête Conditions de travail de la Dares atteste de conditions de travail plus favorables dans le secteur associatif que dans le secteur privé lucratif. Focus sur les résultats de l’étude avec François-Xavier Devetter qui l’a coordonnée.

Des conditions de travail « plutôt meilleures » dans les associations que dans les entreprises lucratives. Les termes sont soupesés mais sans ambiguïté. Ce sont ceux de François-Xavier Devetter, maître de conférence en sciences économiques à Lille1 et coordonnateur de l’étude Les salariés du secteur associatif : des conditions de travail à la satisfaction au travail pour le compte de la Dares. Si le constat n’est pas un scoop en soi, il reste important car il s’appuie sur les réponses de 33000 salariés, tous secteurs et statuts confondus, interrogés en face-à-face sur quelques mois en 2013. L’étude, qui vient d’être rendue publique, s’appuie en effet sur l’enquête Conditions de travail menée par la Dares tous les sept ans et qui a produit ces 33000 questionnaires. La fournée 2013 est la septième du genre et, pour la première fois, l’enquête a ajouté aux questionnaires salariés un questionnaire à leurs employeurs ce qui a permis d’établir une analyse comparée en fonction du statut de l’entreprise (public, privé lucratif, associatif). Une quinzaine d’item relatifs à la qualité de l’emploi ont pu être analysés : de la rémunération, aux risques psychosociaux, en passant par les conditions physiques de travail ou encore la relation de travail et l’attrait des tâches.

4 salariés sur 5 couverts

Un seul biais à l’analyse, l’identification du statut de l’employeur n’était pas possible pour les salariés d’entreprises dont l’effectif est inférieur à dix personnes, soit 18 % des effectifs employés dans les associations et 75 % des établissements. « Nous couvrons 1,7 millions de salariés associatifs sur les 2,1 millions en France », tempère François-Xavier Devetter. Et d’après le baromètre de la qualité de vie au travail publié par Chorum en 2013 (prochain édition publiée en mars 2017), on sait que la qualité de vie au travail a tendance à se dégrader avec la taille de l’effectif de l’association. Le constat global de cette étude, focalisée sur les plus gros associations ne serait donc pas faussé si l’ensemble des salariés associatifs étaient couverts.

Des emplois plus protecteurs

La dizaine de chercheurs qui ont planché sur cette étude se sont intéressés, pour établir leur comparaison aux trois secteurs qui couvrent les activités des trois quart des associations : la santé, le médico-social et le sport-loisirs-culture. Premier constat : on travaille moins longtemps en associations que dans le privé ou le public (voir tableau ci-dessous). Mais cela est du à l’importance du temps partiel qui touche plus de 43 % des salariés des associations contre moins de 20 % des salariés du public et du privé. Un temps partiel qui est majoritairement contraint pour un salariat très féminisé.

tableau

Bien sûr le secteur d’activité est déterminant des conditions de travail. Mais pour François-Xavier Devetter, « au-delà des effets propres à l’activité qui sont non-négligeables, notamment dans le médico-social, il y a des effets liés au statut de l’employeur. Cela se voit quand les associations occupent une part importante de l’activité » car cela a tendance à générer des conditions de travail « plutôt meilleures, toute chose égale par ailleurs » pour l’ensemble des entreprises. Concrètement, l’étude constate un moindre recours aux horaires atypiques et la plus grande latitude de chaque salarié pour moduler ses horaires en fonction des contraintes de sa vie privée. « Dans le privé, plus on monte dans la hiérarchie, plus on se débarrasse des contraintes horaires. Dans les associations ce n’est pas le cas, on est sur des organisations qui sont beaucoup plus égalitaires. »

L’association « fait système »

Même constat en matière de rémunération où les écarts sont plus resserrés. Si les cadres et dirigeants associatifs sont moins bien payés que dans le privé, c’est l’inverse pour les salariés peu ou pas qualifiés. « Cela signifie que la théorie du don de travail –qui veut que le salarié associatif ne compte pas ses heures parce qu’il travaille pour une structure d’utilité sociale – ne fonctionne que pour les salariés les plus qualifiés. » La satisfaction des salariés les moins qualifiés ne vient donc pas du statut de leur entreprise – qu’ils ne connaissent pas nécessairement en entrant en emploi – mais « parce que les conditions y sont meilleures et qu’elles donnent plus de sens au travail ». « Il y a donc quelque chose qui fait système, conclut François-Xavier Devetter. On ne peut séparer le fait de travailler dans certains domaines, le fait de travailler d’une certaine façon et le statut de l’entreprise ».

Cette étude Salariés associatifs : des  conditions de travail à la satisfaction au travail étant la première du genre réalisée à partir de l’enquête Conditions de travail, elle n’atteste aucunement d’une tendance d’évolution. L’ensemble de ses résultats ne dit pas qu’il n’y a pas d’ombre au tableau et que le travail en association est la panacée. La progression de l’absentéisme, la montée en flèche des accidents du travail dans certains secteurs comme l’aide à domicile démontrent plutôt une tendance à la dégradationdes conditions de travail dans l’ESS et dans les associations. Mais l’étude n’a pas encore révélé tous ses secrets.Un rapport détaillé devrait être publié prochainement, ainsi qu’une étude qualitative centrée sur le secteur médicosocial, suite à un travail d’entretiens non directifs mené auprès d’une cinquantaine de personnes.

  1. Maître de conférence et directeur-adjoint du Clersé à l’Université de Lille-1

Source : FIL CIDES N°146